Ca revient tous les ans à la même époque
Et oui , ne jamais négliger l'impact que cette recette sans importance a pu avoir sur ma vie , celles de mon entourage , et celle de ma copine , avec qui , c'est décidé , nos retrouvailles en enfer sont programmées , pour cause de mauvais esprit récurrent , débilité permanente , ricanements perpétuels , et complicité légendaire s'apparentant quelquefois à une association de malfaiteurs !
Car c'est bien plus qu'un plat .
Ce fut nos 15 ans .
Nos premières vacances,sans parents,ma copine de toujours-pour toujours
et moi.
biensûr sous la protection rapprochée de 2 aînées .
( tu parles ...; 20 ans à tout casser )
pour la petite histoire ; elles ont bien rempli leur mission ;
on les a vues le jour de l'arrivée et celui de notre départ , ou aux détours
de quelques réveils hasardeux , quand certaines émergeaient misérablement
et que d'autres rentraient discrètement,au petit matin,dans cet espèce de
corridor,lieu d'hébergement,tenant plus d'un vieux wagon de la SNCF que
du studio balnéaire avec vue imprenable sur la mer .
( au fond d'une infâme impasse ,en fait )
Notre liberté toute neuve impliquait également de se débrouiller comme des
grandes,face à ce truc récurrent qui nous triturait l'estomac et son insatiable
tuyauterie .
A savoir : s'alimenter .
Il s'entend : autrement qu'à base de portions de frites rances au vinaigre blanc
arrosées de Pelfort brune, de "gui-gui" sur la digue et autres P de T cuites
( ou carbonisées ) sous la cendre d'un barbecue improvisé dans des lieux
plus ou moins improbables et dégustées généralement jamais avant les
16/17 h ( cuisson oblige )
Nous inventâmes donc :
LES TOMATES AU BACON
(tomates en rondelles - fastoch - assaissonnement ,bacon, gruyère,
et vlan au four le temps nécessaire - super fastoch - )
Le must du must pour nous et
la découverte de nos talents culinaires présents et à venir , aussi
insoupçonnés que révélateurs ....
Nous en fîmes le fil conducteur du moindre de nos repas,pendant tout
ce séjour,jusqu'à l'écoeurement,jusqu'à la fin de cette période initiatique,
récréative et, si bénéfique pour nos organismes préservés jusque là .
La mer : on la vit de loin ... de très loin .
La plage : quoi la plage ?
En bord de mer, ça existe ???
Ah bah mince alors ... si on avait su !
Nous, on n'a vues que des bistrots enfumés ,des garages aménagés dans
lesquels nous passions nos journées à danser,draguer,épiloguer sur nos
conquêtes réelles, supposées, ou fantasmées .
Nous sommes revenues avec un joli teint blafard ,sans le moindre grain
de sable dans nos fringues.
le maillot de bains, tellement prise de tête lors de son achat -nickel -
au fond de la valise qu'il n'avait jamais quitté .
Des parents, rassurés de nous retrouvées saines et sauves ( du moins en apparence )
si ce n'étaient ces sourires débiles qui ne nous quittaient plus , et leur air
dubitatif face à nos récits largement expurgés et d'un flou artistique
savamment mis au point dans la bagnole sur le chemin du retour .
Et nous :
le carnet d'adresses rempli à bloc
des sujets de conversations intarissables pour les prochaines heures de cours à venir ;
des souvenirs inoubliables, mais à géométrie variable, au fil du temps
et de ses narratrices .
Et comme le récit de nos tribulations ne méritait pas un roman
à la Proust , nous n'avons gardé que la madeleine .
soit :
LES TOMATES AU BACON .
Depuis, ce plat est devenu un repère, que dis-je une Référence,
que dis-je une Institution .
Nos entourages respectifs ont été au fil des ans pris en otage
pour savourer ( avec un peu plus d'enthousiasme ... SVP !!)
ce mets historique , unique .
Aujourd'hui, ce petit plaisir coupable ,
dont il convient de préciser que les gourmets
doivent s'en abstenir , s'invite toujours
à notre table
au grè de notre fantaisie ou
de notre nostalgie .